Mère-Afrique
Dimensions 88 x 153 x 5 cm
Matériaux Collage de papiers colorés, cravache en cuir, papiers déchirés, dessin sur papier calque, photographie noir et blanc
Mode d’acquisition Achat à l’artiste en 1984
Mère-Afrique met en relation deux éléments iconographiques : la photographie d’une nourrice noire promenant des enfants le long d’une plage réservée aux blancs en Afrique du Sud, et l’affiche, réalisée en 1925 par Paul Colin, pour La Revue nègre de Joséphine Baker au music-hall des Champs-Élysées.
La photographie est basculée dans la partie gauche de ce « tableau-vitrine », le corps de la femme et celui de l’enfant assis dans la poussette sont repris en découpes de papiers colorés. La forme d’un bananier, un ensemble d’objets, sans doute des pelles de plage et des casques coloniaux, les jambes de la femme en gros plan, le visage des deux musiciens, qui figurent au premier plan de l’affiche de Paul Colin, s’imbriquent de manière complexe, également traités en aplats colorés. À droite, un relevé sur calque de ces éléments vient en partie occulter la photographie recadrée. La cravache de cuir noir, présentée dans la case centrale, sur un collage de papiers déchirés, ainsi que l’inscription au crayon, répétée dans la partie basse « Un haïtien contre l’Apartheid », renforcent clairement la dénonciation de la ségrégation raciale et de la place réservée aux personnes discriminées.
Dans un entretien réalisé dans son atelier, Hervé Télémaque évoque son rapport à la création : « J’ai semble-t-il un besoin de me renouveler en me donnant de nouveaux moyens, mais en fait, évidemment comme tous les artistes, je raconte éternellement la même chose, la même chose ennuyeuse et donc voilà on fait avec. »
Il explique aussi la place cruciale qu’occupe l’actualité politique dans son travail : « Je me suis toujours permis de me mêler de l’actualité politique française, j’ai toujours trouvé mes camarades français pas très courageux, ils étaient tous en train de parler de Vietnam, de je ne sais quoi, et jamais de la politique, de réellement ce qui se passait tous les jours à côté de nous. Il faut pas oublier, je viens d’un pays épouvantable qui s’appelle Haïti, où le vote, voter, est un geste inhabituel, inconnu, et que pour moi tout ce qui concerne la vie démocratique, comme ce que nous vivons aujourd’hui d’ailleurs, est pour moi très important. C’est pour moi une jouissance démocratique. Et donc j’aime tous ces instruments, urnes, affiches électorales, etc. »
Hervé Télémaque fait souvent référence à l’artiste Jacob Lawrence qu’il considère comme le « maître de la représentation de la vie des noirs » en Amérique. « Dans la peinture haïtienne engagée, communiste, populaire, il y a un grand rêve de pouvoir exprimer la situation des noirs, en général, en Haïti et ailleurs. Je trouve que Jacob Lawrence a réussi ça, de la manière la plus simple, avec une observation méthodique, mais modeste en apparence ». L’exposition « The Color line. Les artistes africains-américains et la ségrégation » au musée du Quai Branly - Jacques Chirac en 2017 revenait notamment sur le parcours de cet artiste.
Hervé Télémaque est né à Port-au-Prince (Haïti) en 1937 et est décédé à Paris en 2022.